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il y a un siècle vivez il y a cent ans, au jour le jour, comme si vous y étiez ! aller au contenu accueil belle époque ? il y a un siècle: un journal au jour le jour l’auteur poursuivez votre lecture avec un livre qui est olivier le tigre ← articles plus anciens 3 décembre 1917 : proust éloigne la guerre publié le 2 décembre 2017 par olivier le tigre » je ne peux pas comprendre comment il se fait que votre visage me soit si continuellement présent, que je me rappelle les moindres détentes de votre sourire, la simplicité dont s’enveloppait votre bonté, tant de choses qui de près passaient plus inaperçues… » paul morand vient d’être nommé comme secrétaire d’ambassade à rome. il va quitter paris, laissant son ami marcel proust inconsolable, jetant ces mots touchants dans une lettre que paul ne lira peut-être qu’après son arrivée en italie. pendant toute l’année 1917, le couple formé par paul et sa conjointe, la princesse hélène soutzo a fasciné l’écrivain. ce dernier se dit officiellement ami de morand et amoureux de sa femme, dans une espèce de triangulation dont il a le secret. proust observe les deux êtres de façon avide pour remplir son imaginaire et nourrir ses livres. il faut reconnaître que nul ne peut rester indifférent à hélène, petite femme jolie, piquante, pleine d’esprit…et très riche, grâce à son père banquier grec et un premier mariage avec un prince, diplomate roumain dont elle garde le nom comme le titre. marcel n’a pas non plus détourné les yeux de paul morand, diplomate de second rang dont il détecte pourtant, avant tout le monde, les talents littéraires, conquis par son intelligence et son exquise finesse. enfermé depuis le début de la journée dans sa vilaine chambre du 102 boulevard haussmann, marcel peine à émerger depuis sa terrible crise d’asthme d’hier : « j’ai cru que mon coeur allait s’arrêter définitivement et que mes poumons éclataient ! c’est gentil, olivier, d’être venu me rejoindre. quand je suis comme cela, je ne vois personne et sens que tout le monde me fuit… » aujourd’hui, son teint reste horriblement pâle avec de grosses cernes qui lui mangent une bonne partie d’un visage demeurant, malgré la douleur, infiniment doux, presque féminin. occupé à détourner son esprit qui ne cesserait autrement de ressasser autour de morand et tout simplement désireux de lui changer les idées, je lui parle de ses autres nouveaux et nombreux amis de cette année 17. je lâche, sans succès, les noms de ceux que j’ai pu croiser au ritz, au crillon ou dans les soirées des beaumont, 2 rue duroc : jacques truelle, jacques de lacretelle ou le très beau pierre de polignac… pas de réactions ou juste quelques commentaires laconiques. sur le point de renoncer et de prendre congé, je réussis enfin ma manoeuvre en abordant la situation d’une autre de nos connaissances communes, le président de la chambre de commerce américaine, walter berry. ce dernier, américain francophile, s’est battu comme un diable pour l’entrée en guerre de son pays aux côtés de la france et a toute ma sympathie. l’oeil de marcel s’éclaire quand j’évoque avec lui berry et il lâche, attendri : « je ne connais rien de plus beau que les yeux de son visage, de plus agréable pour les oreilles que sa voix, comme s’il était peint par tintoret et orchestré par rimski. » je me doutais bien qu’en parlant d’un autre homme fascinant à marcel, sans doute plus inverti que jamais – même s’il n’aborde jamais la question avec un père de famille rangé comme moi – je pourrais ainsi l’extraire de sa mélancolie. marcel change soudain de conversation. » vous ne voulez pas acheter une partie de mes meubles ? l’argenterie de table familiale qui ne me sert à rien ? le tapis de la pièce d’à côté… ou…je ne sais pas…par exemple la commode louis xvi qui est derrière vous ? j’aimerais amasser un petit pécule que je pourrais donner à la pauvre mme scheikévitch, ruinée par la révolution russe ! « . je décline poliment, n’ayant vraiment pas la fortune personnelle de proust. une bonne partie de mon traitement de fonctionnaire est englouti dans la vie parisienne devenue ruineuse pendant la guerre. je lui glisse qu’il devrait prendre des nouvelles de la princesse soutzo qui va se faire opérer de l’appendice. je n’aurais pas dû ! je sens d’un coup marcel fou d’inquiétude. a coup sûr, il va tenter de la rassurer chaque jour, maladroitement, en devenant forcément indélicat ! il revient alors à morand, obsédé : « l’idée qu’il partira dans dix jours, que demain, il faudra se dire il n’y en a plus que neuf et après demain huit, cela donne envie de se tourner contre le mur et de prendre une telle dose de véronal qu’on ne se réveille qu’une fois qu’il sera à rome… » je quitte marcel sur la pointe des pieds. décidément, je n’ai pas réussi à le rendre gai en ce jour froid de début décembre. je remonte le boulevard haussmann, pensif, les deux poings dans les poches de mon pardessus gris. rencontrer l’écrivain, même s’il est souvent neurasthénique, me change de mes activités auprès de poincaré et de clemenceau. a ses côtés, la guerre me paraît un instant s’éloigner. elle est tenue à distance respectueuse par l’auteur de ces si longues et belles phrases, descriptions fines et minutieuses de son petit monde rendu éternel par la magie des mots réunis en un univers magnifiant les sens et les souvenirs. le monde de proust survivra longtemps, n’en doutons pas, à la bêtise meurtrière des hommes d’aujourd’hui. paul morand le boulevard haussmann la belle et piquante princesse soutzo publié dans non classé , proust | laisser un commentaire 27 novembre 1917 : la mise à mort des modérés publié le 26 novembre 2017 par olivier le tigre « dieu que la politique est une chose laide ! » me lâche philippe pétain. nous évoquons ensemble le sort à réserver à l’ex-ministre de l’intérieur louis malvy, qui a démissionné il y a quelques semaines et va probablement être jugé au sénat constitué en haute cour. le commandant en chef fait une mine que je trouve faussement contrite. il a en fait puissamment oeuvré pour abattre malvy qui avait essayé depuis le début de la guerre de trouver le juste milieu entre le pouvoir militaire tout puissant et la vie de l’arrière ne pouvant être totalement militarisé, en préservant autant que possible la prééminence de pouvoir civil. oui, malvy avait refusé en 1914, pour préserver l’unité nationale, de faire arrêter préventivement les syndicalistes, anarchistes ou autres socialistes opposés à la mobilisation. oui, il avait aussi refusé en 1916 et 1917 que le maintien de l’ordre passe aux mains des militaires dans les zones proches des combats et que les pacifistes soient réprimés en dehors d’un cadre légal. surtout, il s’oppose toujours vivement à pétain sur les raisons pour lesquelles une partie du pays plonge dans la crise morale, menacé par les mutineries au front et les grèves dans les usines d’armement. pour malvy, tout vient des soldats eux-mêmes, démoralisés par les offensives à outrance, l’échec du chemin des dames et pour lui, c’est eux qui « contaminent » les civils lors de leurs permissions. il insiste aussi sur le fait que les mutins sont loin d’être tous des socialistes mais comptent aussi des royalistes et des nationalistes, acharnés à faire tomber la république qui reste pour eux « la gueuse ». pétain s’emporte quand je lui rappelle cette thèse que je ne trouve pas totalement aberrante : « foutaise ! olivier, vous savez bien que l’immense majorité de nos soldats est la vaillance même ! mais lorsqu’ils retournent à l’arrière, ils ne découvrent, ahuris, que désordre et relâchement. malvy ne faisait pas son travail de ministre de l’intérieur ! le pays est plongé dans une ambiance délétère par la faute d’hommes comme lui » les contacts que j’ai ensuite avec clemenceau ne permettent évidement pas non plus de sauver le pauvre ancien ministre, homme trop modéré dans une ambiance où seuls les fauves et les crocodiles survivent. le tigre est l’un des auteurs principaux de sa chute et garde la rancune tenace pour